Tendance hors saisons
Comment les ballets russes ont-ils influencé la mode mondiale?
Saisons russes
«Les Saisons russes» ont été données par la célèbre compagnie de ballet russe rassemblée en 1907 par l'impresario Serge Diaghilev. La première saison a eu lieu au théâtre parisien du Châtelet en 1909.
L'art russe est à la mode à Paris après les Saisons russes de Serge Diaghilev. Les Européens se passionnent dès la Première guerre mondiale pour les costumes et la mode russe. Une princesse anglaise présente à une cérémonie de mariage portant un kokochnik orné de diamants et une robe inspirée des traditions folkloriques russes.
Alexandre Vassiliev, historien de la mode
1866 - 1924
Léon Bakst
Maître en peinture et art graphique théâtral, un des arbitres des élégances à l'origine de la mode européenne de l'exotisme et de l'orientalisme au début du XXe siècle.
Si c'est possible sur la scène, pourquoi ne pas l'essayer sur le trottoir d'un boulevard?
Bakst célèbre l'harmonie des couleurs et l'éclat dans Cléopâtre, Schéhérazade, Salomé, le Dieu bleu. Pour reprendre l'expression du critique André Levinson, «Bakst enivre Paris»: Si c'est possible sur la scène, pourquoi ne pas l'essayer sur le trottoir d'un boulevard?
Tout ce qui frappe les Parisiens sur scène s'est reflété dans la mode. C'est pour ça sans doute que mes mises en scène ont eu une influence sur la transformation graduelle du costume féminin jusqu'aux coiffures colorées.
Léon Bakst
En juin 1911, un an après Schéhérazade, le roi de la mode française des années 1910, Paul Poiret a donné dans son hôtel particulier parisien la fameuse «Mille et deuxième Nuit» dans le style oriental.
Deux mois après, le couturier a organisé un défilé présentant des couleurs contrastées, des turbans, des sarouels et des silhouettes. En 1913, les turbans ornés de pierres, les plumes et les tiares était à la mode dans le monde entier.
1874 - 1947
Nicolas Roerich
Peintre, philosophe mystique, écrivain, archéologue russe. Membre de l'Académie impériale des arts. Nicolas Roerich a peint près de 7.000 toiles.
L'épopée théâtrale de Diaghilev a connu non seulement d'immenses succès à Paris, mais aussi de cuisants échecs. Le plus retentissant d'entre eux a été la première en 1913 du ballet Le Sacre du printemps sur une chorégraphie de Vaslav Nijinski. Les décors et costumes avaient été créés par Nicolas Roerich. Les spectateurs n'ont pas compris la musique composée par Stravinsky.
Roerich s'est senti offensé et Diaghilev était, lui, content: le scandale, c'est mieux que l'indifférence.

«Une vraie victoire! Qu'ils sifflent et se déchaînent! Ils sentent déjà que c'est précieux, ils sifflent, mais ce n'est qu'un masque. On verra la suite», disait-il.
La salle a joué le rôle qu'elle avait à jouer: elle s'est tout de suite révoltée. Le public riait, hurlait, sifflait, grognait, béquetait et se serait sans doute fatiguée mais une foule d'esthètes et de musiciens fervents se sont mis à offenser et à taquiner le public en loges. Le bruit a débouché sur une bagarre.
Les costumes créés par Roerich avaient un aspect véritablement ethnographique: blouses rouges, jaunes, bleues, joues pourpres, chemises à motifs, sarafanes, tabliers, peaux d'animaux, laptis, tresses. Les motifs géométriques et les formes laconiques sont passés inaperçus et pouvaient disparaître à jamais. Au début des années 1970, Millicent Hodson, étudiante hippie à Berkeley, découvre par hasard des costumes créés par Roerich au Victoria and Albert Museum à Londres.
Les sarafanes et les ornements du Sacre du printemps, mis en scène en 1913, étaient exactement les mêmes que ceux portés alors par Millicent.

Depuis ce ballet est devenu la passion de la vie de Millicent Hodson. La reconstruction de la chorégraphie et des costumes de Roerich, fut l'une des plus grandes réalisations de ballet du début des années 1980.

Plissetskaïa et Pierre Cardin
Un des pionniers de l'unisexe, couturier d'avant-garde. La danseuse Maïa Plissetskaïa a été l'une des «muses» de Cardin.
Maïa Plissetskaïa et Cardin ont fait connaissance en 1972, lorsque le couturier était au sommet de sa gloire et de sa carrière. Plissetskaïa qui préparait alors le ballet Anna Karénine, lui a parlé du problème des costumes. C'était une tâche difficile.
Il s'agissait de créer des costumes de l'époque des corsets et de lourdes tournures dans lesquels il serait facile de danser. Cardin était très excité à l'idée de créer des costumes pour Maïa. Dix costumes ont ainsi été confectionnés par le grand couturier et ce absolument gratuitement.
Cardin a relevé les côtés des jupes en découvrant ainsi les jambes de la danseuse et a remplacé les tournures par des nœuds de ruban larges et légers. Tout en conservant la silhouette du costume historique, il a pu créer des costumes dans lesquels on pouvait danser à son aise.
Cardin a en outre créé des costumes pour La Muette et La Dame au petit chien, ils étaient tous différents et l'ambiance sur scène changeait en fonction de la couleur et de la forme de la ceinture de la danseuse.
1883 - 1971
Coco Chanel
Grande couturière française ayant fondé la maison Chanel, elle a sérieusement influencé la mode européenne du XXe siècle.
Diaghilev et Chanel se sont rencontrés en 1920. Elle était évidemment enchantée par les ballets de la troupe de Diaghilev. Chanel a mis sa résidence de Garches à la disposition d'Igor Stravinsky et de sa famille. Cela a permis au compositeur de terminer Pulcinella. Elle a aussi donné 300.000 francs (200.000 francs d'après d'autres sources) à Diaghilev pour la reprise du ballet Le Sacre du printemps. Mais ce n'est que deux ans plus tard que Chanel a rencontré un vrai succès au théâtre avec ses costumes créés pour le nouveau ballet de Diaghilev Le Train bleu.
Les costumes du Train bleu constituent en fait la version scénique de la dernière collection de Chanel. C'était une variation du style sportif sur lequel la coutière travaillait depuis plusieurs années: pulls rayés, demi-bas, robes de tennis, lunettes de natation et même bonnets de bain. Sur scène, les danseurs affichaient leur bronzage naturel, ce dernier étant alors à la mode. Si pour Chanel, il n'y avait pas de découvertes dans ces costumes-là, pour le théâtre de ballet l'utilisation d'habits quotidiens fut une percée. Le Train bleu a montré que la mode pouvait dicter l'esthétique du ballet.
Made on
Tilda